Ombre et lumière

La graine, pour germer, a besoin de la lumière qui l’appelle à sortir et de l’ombre qui la protège car la lumière est une force qui peut l’anéantir. Les feuilles se nourrissent grâce à la lumière ; les racines se nourrissent grâce à l’ombre. D’un point de vue symbolique, l’ombre et la lumière apportent, chacune, les conditions de nourriture dont nous avons besoin pour vivre, grandir, nous adapter.

L’ombre protège les racines (celles des archétypes de l’humanité, celles de son évolution comme celles du transgénérationnel familial). Elle favorise la constitution d’une instance qui recèle les possibles. Elle protège la maturation de la vie intérieure qui se nourrit autant des apports de l’ombre que de ceux de la lumière, mais a besoin, pour les faire siens, du silence et du non temps de l’ombre. Dans ce non temps, elle trouve la sérénité nécessaire à son rythme propre, à sa pulsation particulière. La vie intérieure est comme une graine une et multiple. Toujours en train de germer et toujours graine. Graine unique dont sont issues d’autres graines qui, tour à tour, arrivent à maturation et poussent vers la lumière leur tige apparemment frêle et déjà forte par la nourriture puisée à l’ombre. Il faut de la force pour faire le trajet vers la lumière. Nombre de graines trop hâtives ou trop fragiles s’épuisent dans ce parcours. Il faut aussi de la vigueur pour rencontrer la lumière, jouir de sa clarté et de sa chaleur. De jeunes pousses brûlent à son contact. Certaines meurent de soif parce qu’en quittant l’ombre, elles ont cru pouvoir se passer d’elle et de la source qui avait rendu fertile la terre qui les portait. La terre baignée par la source avait libéré la nourriture qu’elle contenait. Elles ont cru que, seule, la terre était nourricière, mais la terre sans l’eau est stérile.

La lumière représente la vie sociale, les actes du quotidien, la relation aux autres. La lumière, c’est la mise à l’épreuve de ce que la vie intérieure a fait germer car elle confronte au réel ce qui restait potentiel tant que c’était à l’ombre. La lumière, c’est la vie au risque de l’autre. C’est la découverte de la fragilité dans la force, l’expérience des limites au contact, à la friction de l’autre. C’est aussi la découverte de la peur et la question du quoi en faire. La peur pose à la jeune pousse la question du choix de vie entre la force et la fragilité. Elle pose aussi la question de la place donnée à l’ombre pour la vie. Si la fragilité est privilégiée, la peur va prendre de la force à la force et retourner dans l’ombre où elle va se mettre à agir de façon indépendante. La jeune pousse va alors se replier sur une nostalgie du séjour dans l’ombre, se mettre dans une position de moindre prise à l’autre. Elle va végéter, la lumière devenant impuissante contre l’emprise de l’ombre car les feuilles qui, seules, peuvent bénéficier des apports de la lumière ne peuvent s’éployer.