mai 2021

Sommaire

démocratie

Un texte mis au vote à l’Assemblée nationale française a été rejeté, puis revoté. Existe-t-il pour cette institution une liberté de rejeter un texte ? La mise en œuvre de cette liberté relève-t-elle de ce que je qualifierais d’un arbitraire qui déciderait, sans explication, quels sont les textes laissés au libre vote des parlementaires et ceux pour lesquels prime une injonction d’approbation ? Le ministre qui demande de revoter un texte rejeté à une heure ou à un moment dont il sait que nombre de députés seront absents respecte-t-il encore cette liberté inscrite dans la devise de notre république ? Compte tenu du fait que, depuis un certain nombre d’années, il n’y a que certains textes rejetés qui sont revotés, existe-t-il une égalité de traitement entre tous les textes mis au vote ? Est-il légitime d’arguer du droit à la différence pour certains et pas pour d’autres ?

Moyen Orient

Un pays du Moyen Orient a réagi aux tirs de roquettes sur son territoire par un voisin en mettant en avant la légitime défense. Ce pays accorde-t-il ce droit de la légitime défense à ceux de ses habitants qui sont expulsés de leur habitat ou de leurs terres agricoles ?

Police

Un syndicat de policiers a organisé des manifestations dans toute la France pour faire entendre un certain nombre de revendications. À cette occasion M. Sébastien Roché (directeur de recherche au CNRS et professeur à l’école des Sciences politiques) a été interrogé et son interview a été reproduite dans mon journal régional. Il en ressort que « c’est entre 1970 et 1990 que le nombre et le taux de décès des policiers ont été le plus élevés. À cinq reprises sur cette période, plus de 30 policiers ont été tués sur une année… Depuis 2000, le risque a été globalement divisé par quatre. À cela plusieurs facteurs : baisse générale du nombre d’homicides… La société française devient plus sûre… Le mouvement des « Gilets jaunes » à duré six mois, mais pas une seule fois, un manifestant n’a sorti une arme à feu contre un policier. »

Alors qui croire ? L’universitaire ou le « terrain », comme on dit. Je ne pense pas que le problème se pose en ces termes. Premièrement, il existe certaines villes (et plus particulièrement Paris) où les violences dans les manifestations sont devenues récurrentes, sans doute parce que les media s’y intéressent plus qu’à d’autres. Mais Paris n’est pas la France et l’effet loupe grossissante en mettant en valeur ce qui s’y passe brouille la réalité d’ensemble.

Deuxièmement, certaines portions de banlieues sont, effectivement, devenues des zones où le droit juridique n’est plus respecté et ce, depuis à peu près trente ans.

Les policiers qui ont fait du maintien de l’ordre à Paris ou qui subissent mépris et agressions dans certaines périphéries urbaines sont légitimes à croire que ce qui se passe pour eux reflète ce qui se passe ailleurs.

Se pose alors une question à tiroirs : comment en est-on arrivé là ? Par négligence, aveuglement, refus de prise en compte d’un malaise qui, de ce fait, s’est fossilisé sous la forme de rancoeurs, colères, haines qui n’ont trouvé comme issue que le repli sur soi dans un sentiment d’injustice intolérable. Certains habitants des banlieues se sont repliés sur eux et sur leur zone d’habitat créant leur propre droit et leurs propres règles car il leur semblait impossible d’en sortir et d’être acceptés ailleurs, de façon impartiale, dans leurs potentialités. Les policiers sont donc devenus les ennemis qui voulaient détruire leur forteresse sans proposer autre chose que les rigueurs de la loi et donc, d’une certaine façon, le renforcement de leur ghetto.

De leur côté, les policiers qui baignent, me semble-t-il dans une culture essentiellement répressive, ne sont pas armés, intellectuellement et psychologiquement à faire face au défi constant posés par ceux qui, en masse, les provoque dans leur devoir de répression.

Deux haines et deux désespoirs se font ainsi face à face. D’un côté, ceux qui réclament un peu plus d’égalité, un peu plus de fraternité et un élargissement de leur liberté à choisir pour leur vie future. Ceux qui ne comprennent pas que leurs origines ou leur lieu d’habitation leur ferment des portes qui s’ouvrent pour d’autres. De l’autre côté, ceux qui ne comprennent pas que leur idéal à pourvoir à la sécurité et à la paix pour tout citoyen soit bafoué. Pour les policiers qui ont été sur sollicités depuis trois ans par la crise des « gilets jaunes », puis par la sanitaire, l’épuisement moral, psychologique et physique brouille leur perception de la réalité au point de prendre comme vérité universelle ce que présente à leur esprit un émotionnel généré par cet épuisement. Ce à quoi s’ajoute, pour nombre d’entre eux, l’injustice de ne pas avoir perçu le paiement des heures supplémentaires effectués pour le maintien de l’ordre lors de l’épisode des « gilets jaunes » ou d’avoir attendu très longtemps pour les percevoir.

Dans ce contexte, empiler du législatif toujours plus répressif ne résorbera le mal ni d’un côté, ni de l’autre. En effet, il ne s’attaquera pas aux racines du problème qui est qu’une partie de la population n’est traitée ni dans l’égalité, ni dans la fraternité et qu’une autre partie est dans l’impuissance de mettre dans le réel son devoir d’assurer la sécurité sociale qui est une des conditions pour que la devise républicaine demeure vive. Pour les zones en périphéries de ville, le mal est si ancien que les municipalités qui s’y attaquent doivent lutter pour ne pas se laisser aller au découragement devant l’énormité d’une tâche qui s’apparente au défrichage d’un champ qui a été abandonné aux ronces, chardons, orties, toutes plantes qui ont la vie dure et luttent contre une extirpation définitive.

S‘en remettre au législatif, c’est appeler de ses vœux le « père » providentiel qui réglera le tout sans que quiconque ait à y mettre du sien, si ce n’est son bulletin de vote. Je veux ainsi souligner que le malaise de la police est, en soi, l’expression de la population à laquelle ils appartiennent ou dont ils sont issus.