Publié dans Voyage en Noëlie n°6 décembre 2014
Il était une fois un laboureur âgé qui n’était pas très riche. Il allait à pied sur une route, ou plutôt sur un petit chemin qui côtoyait un poulailler qui, lui aussi, était petit. C’était un jour de soleil et de vent. Au milieu de sa route, il vit un œuf qui n’était pas comme les autres : il était gros et ovale comme tous les œufs, mais le soleil le faisait briller. Il était dur et il ne s’est pas cassé quand le laboureur l’a fait tomber à terre par erreur tant il était surpris. Il alla chez un orfèvre et lui demanda ce qu’était cet œuf. L’orfèvre l’examina, le regarda, mit dessus une goutte d’un produit, puis dit : « Il est vraiment en or. Je le garde et je vous l’achète. » « J’accepte ce marché et je vous le laisse », répondit le paysan.
Maintenant qu’il avait plein de sous, il décida de les garder dans une de ses caves, dans un coffre caché dans un petit coin par un meuble.
Un an plus tard, le roi passa par là pour regarder où se trouvaient les sous des paysans afin de les leur voler. Il sonna à la porte du vieillard. Le laboureur, ignorant les intentions du roi, lui ouvrit : « Je viens pour examiner votre maison parce que j’ai décidé que toutes les maisons de mon royaume redeviendraient neuves et belles » expliqua le roi. Le roi alla dans la cave, vit une porte et demanda : « Cette porte mène à quoi ? » « A une cave. » Assez vite, il découvrit les sous : « Pourquoi gardez-vous vos sous là-dedans ?
– Je les garde pour acheter pleins de graines.
– Pourquoi voulez-vous plein de graines ?
– Pour avoir plein de légumes dans mon jardin et plein de blé dans mes champs. »
Le roi ne chercha pas à en savoir plus et repartit. Rentré dans son château, il alla dans son bureau et fit venir le chef des policiers : « Un laboureur m’a volé des bijoux. Ramenez-les moi !» Le chef des policiers répondit : « A vos ordres, Majesté !» Deux heures plus tard, il revint avec un sac : « Nous avons trouvé ce sac dans la cave de ce laboureur : il est plein de pièces d’or. » « Passez-le moi » ordonna le roi d’un ton autoritaire.
Avec les pièces, il s’acheta une lampe de nuit : il avait toujours eu peur du noir et il n’en avait jamais eu parce que son papa disait qu’il fallait qu’il s’habitue au noir. Il s’acheta trois ballons de foot : un vert et noir, un rouge et blanc, un bleu et blanc. Il s’acheta quatre gâteaux au chocolat : il était très gourmand et sa maman ne voulait pas qu’il en mange plus d’un à la fois parce que ça fait grossir. Il s’acheta cinq jeux de société pour pouvoir jouer avec la reine et ses invités parce qu’étant frère unique, il n’avait jamais eu personne pour jouer avec lui… Les livres qu’il n’avait pas lu quand il était enfant ; un livre de Max et Lili parce son professeur trouvait que ça faisait bébé et pas sérieux pour un futur roi… Des fleurs qui sentent très bon et des tournesols parce qu’ils ne poussaient pas dans le jardin royal et qu’il aimait beaucoup le jaune…. Un ordinateur parce que ça n’existait pas quand il était petit… Une nouvelle cuisine blanche avec des appareils rouges et une nappe rouge sur une table blanche parce qu’il n’avait jamais le droit d’aller à la cuisine quand il en avait envie et que sa mère détestait tout ce qui était rouge. Il acheta les playmobil du commissariat de police et de la ferme parce que quand il était petit sa nounou ne voulait pas qu’il y joue : elle trouvait que beaucoup d’enfants y jouaient et qu’un futur roi ne doit avoir que des choses que les autres n’ont pas.
Pendant ce temps-là, le laboureur cherchait le château. Lorsqu’il fut arrivé, il vit un garde et demanda à voir le roi. « Le roi est très occupé, je ne crois pas qu’il puisse vous recevoir. » Le laboureur très en colère cria : « Laissez-moi entrer » Le garde barra la porte avec sa lance. Le paysan hurla, insulta le garde qui reprit : « Non, je ne vous laisserai pas rentrer. » « Quoi ? » Le laboureur fut encore plus énervé. Les habitants du palais sortirent et chacun cria : « Arrêtez ce bruit !… Je suis en train de lire un livre… J’écris une pièce de théâtre… Je suis en train de faire une sieste… » Le cuisiner se montra : « Arrêtez, vous allez me déconcentrer et je vais rater mon gâteau » Le roi dans son bureau ne pouvait plus travailler : « C’est quoi ce boucan ? » car dans son énervement, il utilisait un mot qu’on lui avait toujours interdit. Il demanda à son secrétaire de voir ce qui se passait.
C’est un vieux paysan qui réclame à vous voir. Le roi se douta que c’était le laboureur : « Je ne suis pas libre aujourd’hui. Qu’il revienne demain ! » Le laboureur continuait sa demande : « Je veux voir le roi tout de suite : sa police m’a volé. Je veux justice. » Informé de cela, le roi ordonna : « Gardes saisissez-le, mettez-le en prison et ne lui donnez qu’un bout de pain pour le repas. » Les gens pensèrent que le roi était très fâché de ce qu’on accuse la police de vol.
L‘oeuf d’or venait d’une poule qui était un peu fée. Elle avait voulu faire le bonheur du laboureur parce qu’il était très vieux et très pauvre : trop vieux pour s’occuper de ses champs et trop pauvre pour les faire labourer par quelqu’un d’autre en le payant. Cet homme avait sauvé la poule d’un renard qui voulait la manger. Il prenait très soin de ses bêtes mais aussi de tous les animaux qui étaient blessée et venaient se faire soigner chez lui.
Au soir, un lapin qui avait été, un jour, soigné par le laboureur, arriva au poulailler pour avertir la poule que leur ami avait été volé par le roi et emprisonné. A la demande de la poule, le lapin avertit tous les animaux qui avaient été soignés par le laboureur pour qu’il viennent au poulailler faire un plan avec la poule magique. Une foule d’animaux arriva, si nombreux qu’ils ne purent rentrer tous dans le poulailler. La poule prit la parole : « Voilà quel est mon plan. Toi, le lapin, tu vas faire diversion en occupant les gardes avec les lièvres et les chèvres. Moi, je vais avec le renard et le loup qui me protègeront contre les attaques des serviteurs. J’entrerai dans le château et je parlerai au roi. Les cerfs et les chevreuils courront autour du château en bramant et le roi sera obligé de sortir pour intervenir. Quand il sera dehors, les belettes et les fouines emporteront les objets qu’il a acheté avec l’or volé. Pendant ce temps, les taupes et les blaireaux creuseront un tunnel sous la prison.
Taupes et blaireaux creusèrent et arrivèrent près du laboureur qui s’étonna : « Qu’est-ce que vous faites ici ?
– On vient vous délivrer.
– Mais… vous parlez !
– Ça fait longtemps qu’on parle. Et pourquoi on ne parlerez pas ? »
Lui tenant une main, le tirant ou le poussant, ils l’amenèrent vers le tunnel. Il les suivit en rampant et arriva dehors.
Le roi en entendant le bruit entre les gardes et les lapins et chêvres voulut être informé. Tout d’abord un serviteur vint voir ce qui se passait, puis fit son rapport : « O roi, ce sont des lapins et des chèvres qui courent dans l’enceinte du château et personne ne peut les arrêter.
– Faites quelque choses, je ne sais pas, moi.
– Les gardes n’y arrivent pas. »
Très énervé, il sortit pour rétablir le silence lui-même. Avec un grand geste du bras, il ordonna : « Partez, sales bêtes. » Les animaux bloquèrent le passage et le roi ne put remonter dans son bureau comme il en avait l’intention. La poule se faufila , entra et parvint au bureau du roi pendant que les fouines et belettes déménageaient tous les objets qu’elles pouvaient emporter. Lorsque le roi parvint enfin dans son bureau, il trouva la poule assise sur la grande table sur laquelle il travaillait : « Sire, prenez une chaise et asseyez-vous ! » Le roi s’assit sans rien dire tellement il était surpris. La poule reprit : « Pourquoi avez-vous mis le laboureur en prison ?
– Parce qu’il dit que la police l’a volé alors qu’elle n’a fait que reprendre ce qui était mes sous.
– Vous mentez, sire.
– Mais comment le savez-vous ?
– Je suis une poule magique.
– Ah ah ah ! vous me faites rire ! »
Et en même temps, il s’étonnait de lui parler comme si elle était une dame alors qu’il voyait bien que c’était une poule.
– Sortez de ce déguisement et montrez-moi qui vous êtes, ordonna-t-il.
– Je suis une fée transformée en poule et je ne peux pas me montrer en fée. »
Pendant qu’elle parlait, il constata que les playmobil avec lesquels il jouait quand il avait été dérangé n’y étaient plus et en regardant dans la pièce, il vit que les ballons et les livres avaient disparu. Il se précipita dans l’autre pièce et là, la belle cuisine rouge et blanche avait disparu : « Où est ma belle cuisine ? Où sont mes livres, mes jeux de société, ma belle fleur de tournesol ? Où est mon ordinateur ? » La poule le renseigna d’un air tranquille : « Ils sont chez le laboureur. » Le roi faillit s’en évanouir de stupeur. « Hé oui ! c’est la vie, continua la fée. Tu dois rendre ce qui ne t’appartient pas puisque ces objets ont été achetés avec les sous du laboureur. » Il se fâcha très fort : « Je vais aller le voir, cet homme ». Et la poule l’accompagna.
Le roi arriva chez le paysan et sonna à la porte. Le laboureur ouvrit en souriant : « Oui c’est pourquoi ? » Puis reconnaissant le roi : « Vous, je ne veux plus vous voir. » « Il faut que l’on se réconcilie », fit le roi d’un air très doux mais il disait cela pour récupérer ses objets. La poule qui en avait assez des caprices du souverain l’enferma dans la cave ave un quignon de pain. Il y resta une semaine et tous les jours la poule lui apportait un quignon de pain et une cruche d’eau. Au bout de ce temps, le roi fit une demande : « Laissez-moi sortir ! J’ai réfléchi. Je ne le ferai plus.
– Tu ne feras plus quoi ?
– Je ne volerai plus les sous des habitants de mon royaume. Une fois par semaine, j’inviterai le laboureur à jouer avec moi à des jeux de société.
– Ce ne seront pas ceux qui appartiennent au laboureur. Tu devras en acheter avec tes propres sous.
– Je vais créer une équipe de volley avec les ballons.
– Avec ceux que tu vas racheter.
– Je vais utiliser mon ordinateur pour mieux gérer mon royaume.
– Celui-là, le laboureur n’en fera rien, tu peux le lui racheter. »
Le laboureur garda les playmobil, les ballons, les livres, les fleurs de tournesol, les jeux de société et la cuisine. Et le roi retourna à son château. Les ballons furent prêtés aux enfants du village qui venaient les chercher quand ils en avaient envie. Avec ses amis du village, le paysan jouait aux jeux de société. Dans la belle cuisine, il faisait à manger pour sa femme et ses petit-enfants qui se régalaient de saucisses, de soupe au pistou, de pâtes, de tartes, de gâteaux.
Les tournesols furent plantés dans son jardin. Ils y sont encore. Leurs couleurs lumineuses réjouissent tous les passants. Quant au roi, en punition, il fut obligé de verser chaque année une somme d’argent afin que le laboureur paie quelqu’un pour la culture de ses champs.
G. N.