Crète : repères historiques et géographiques

Sommaire

Ce chapitre intermédiaire a pour but de simplifier la compréhension du lecteur lorsqu’au cours des épisodes de ce récit, il aura besoin de points de repères. En effet, l’histoire et la géographie crétoises étant aussi complexes l’une que l’autre, il pourra alors se reporter à ce qui suit.

chronologie de l’histoire crétoise

I-Périodes avant notre ère

Paléolithique Sur le site de Plakias, au sud-ouest de l’île, ont été trouvés, en 2010, des bifaces (outils taillés sur des galets) pouvant être attribués au Paléolithique moyen ou inférieur. Cela fait donc remonter la première occupa-tion humaine vers au moins 130 000 av. J.-C. (datation par les couches géologiques) par des hommes de Néandertal ou des homo erectus. Un seul site trouvé, pour le moment.

Mésolithique De cette période intermédiaire entre le Paléolithique et le Néolithique (avant 7000), on a trouvé des campement de chasseurs-cueilleurs dans des grottes.

Néolithique  Les archéologues ont constaté un peuplement en deux vagues successives au cours de cette période, ce qui les amena à distinguer un « Néolithique1 » (6100-3800 av. J.-C.) et un « Néolithique2 » (3800-2800 av. J.-C.). L’installation du Néolithique en deux vagues et les caractéristiques bien distinctes qui les accompagnent sont le propre du Néolithique proche-oriental et uniquement de lui.

Le Néolithique1 se caractérise par un habitat de grottes et l’absence de contenants en poterie. Pour cet usage, on a recours à la pierre, au cuir, à la vannerie, au bois… ; utilisation de la pierre taillée ; cultures de céréales, élevage d’animaux importés (moutons, chèvres).

Le Néolithique2  connaît la poterie et l’utilise pour des ustensiles de cuisine, marmites, bols, louches, cruches, vases… et pour façonner des statues cultuelles ; cultures de céréales, orge, lentilles ; présence de chèvres, de moutons, de porcs, et de bovins (plus rares) ; utilisation de charrues attelées rudimentaires. L’habitat est construit sur une base de murs en pierres et les villages sont entourés de murs défensifs. Il est possible qu’il y ait eu un apport de peuplement avec des Phéniciens venus fonder des établissements sur les côtes. Certains s’y seraient installés définitivement et auraient complété le noyau primitif. Il est, toutefois, certain que les Phéniciens colorèrent de façon importante la civilisation naissante par les apports de leur propre civilisation.

Chalcolithique(ou âge du cuivre) C’est la transition entre le Néolithique2 et la civilisation minoenne : période où les relations avec le monde égéen s’intensifient, préparant l’émergence de la civilisation qui le suit.

Civilisation minoenne (âge du bronze) (2700-1200 av. J.-C.) : période florissante de 15 siècles avec un niveau de civilisation exceptionnel. Elle est décomposée en trois périodes : Premier palais (protopalatial) à partir de -1900 – second palais (néopalatial, 1700-1450) – postpalatial (1450-1100).

Premiers palais : Knossos, Phaïstos, Malia ; vie confortable, adduction d’eau, vie artistique et niveau culturel élevés, écriture hiéroglyphique ; échanges commerciaux sur le pourtour méditerranéen, flotte importante, puissance maritime ; liens avec Byblos et l’Égypte ; apparition de l’écriture linéaire A .

Seconds palais : constructions de nouveaux palais en plus grand nombre, les anciens ayant été détruits (séismes?) ; expansion économique et culturelle ; âge d’or de la civilisation minoenne.

Période postpalatiale : vagues successives d’invasions Achéennes (Mycéniens) en provenance du Péloponnèse ; introduction d’éléments religieux extérieurs, de la langue grecque, de l’écriture linéaire B. Cette période est aussi celle de la Guerre de Troie (fin 13ème-début 12ème siècle av. J.-C.) menée par les mêmes Achéens.

La Crète dans la Grèce antique (1100-67 av. J.-C.) Cette tranche historique couvre la Période dorienne (1100-700), la Période archaïque et classique (700-330), la Période hellénistique (330-67). Elle s’arrête à l’arrivée des Romains, en -67.

Période dorienne : venant du nord-est, les Doriens envahissent la Grèce, puis les îles par vagues successives ; développement de Gortyne ; fin de l’âge du bronze et début de l’âge du fer ; introduction d’un régime aristocratique. Les motifs décoratifs abandonnent les représentations humaines, animales, végétales pour adopter des lignes géométriques. Par l’écriture, la langue, les coutumes, la religion, la Crète fait partie de la Grèce désormais. Le 9ème siècle est l’âge des poèmes homériques.

Périodes archaïque et classique : la Crète reste en dehors de l’évolution de la Grèce, mais développe des relations commerciales avec la Libye et la Cyrénaïque. Les Crétois très entraînés à la guerre depuis les invasions doriennes fournissent des troupes importantes à Alexandre le Grand : on parle de 7000 archers.

Période hellénistique : après la mort d’Alexandre le Grand, ses généraux se partagent son empire. Ptolémée obtient l’Égypte dont le territoire prévu s’étend à la Crète. Durant cette période, un processus d’unification territoriale est mis en place par les Crétois qui craignent l’annexion de l’île par les Romains : fin des luttes hégémoniques entre Gortyne, Knossos et Lyttos après bien des soubresauts.

L’ instauration d’un « koinon » (ligue des cités crétoises) génère une période de richesse économique et une augmentation de la population.

II-Périodes de notre ère

Époque gréco-romaine (67 av. J.-C. – 330 ap. J.-C.) : commerce florissant avec la Cyrénaïque ; travaux d’irrigation, constructions de routes… ; permission pour certaines ville de frapper monnaie ; introduction et essor du christianisme qui suscite très vite de nombreuses persécutions dont les plus sauvages se déroulent au milieu du 3ème siècle.

Période byzantine (330-1204) Elle se décompose en une Première période byzantine (330-824), une Période arabe (824-961) et une Seconde période byzantine (961-1204) 

Première période byzantine (330-824) : après l’instauration de l’empire d’Orient par scission en deux de l’empire romain, la Crète est rattachée à celui-ci, mais reste à l’écart des bouleversements continentaux. Période de calme et de prospérité pour certaines parties de l’île et déclin pour d’autres; construction de nombreux monastères qui choisissent souvent des endroits isolés pour se protéger des pirates. À partir du 7ème siècle, mêmes boulever-sements que dans le reste de l’empire byzantin : déclin démographique, épidémies, ruralisation.

Période arabe (824-961) : prise de l’île par des Sarrazins expulsés de l’émirat de Cordoue (Espagne), puis réfugiés en Afrique du Nord ou en Égypte dont ils furent également expulsés. Pirates qui écumèrent la Méditerranée et utilisèrent l’île comme base de stockage de leurs razzias. Destruction de presque tous les édifices religieux dont la cathédrale Saint Tite de Gortyne. La toponymie prouve qu’ils furent les seuls à investir l’île de façon systématique. D’origine berbère pour la plupart, est-ce du fait de leur accoutumance aux reliefs montagneux d’Afrique du Nord et de l’Espagne ?

Seconde période byzantine (961-1204) : après de multiples tentatives liées à la volonté de mettre fin à l’insécurité en mer, les Byzantins reprennent l’île. Rechristianisation de l’île ; installations de nobles byzantins qui obtiennent de grands domaines, des privilèges et des serfs (Sarrazins rescapés) pour la culture ; prospérité, richesse et commerce.

La Crète vénitienne (1204 -1669) : après le sac de Constantinople, les Croisés se partagent ses possessions et Venise finit par obtenir la Crète, en plus d’une partie de la capitale byzantine. Régime politique, juridique, social identique à celui de Venise. Création de trois régions administratives administrées par des recteurs : Candie (actuelle Iraklio), Réthymno, Chania. Instauration de 200 fiefs attribués à des nobles vénitiens. Sergenteries données à des roturiers vénitiens. Statut juridique très centralisé et tracassier pour l’ensemble de la population crétoise (corvées, service obligatoire aux galère, fiscalité lourde). Église orthodoxe soumise à l’Église latine. L’aristocratie byzantine mise à l’écart de toute activité publique obtient quelques privilèges économiques après avoir fomenté plusieurs révoltes.

La Crète ottomane (1669-1898) : malgré les renforts européens en armes et en troupes (dont de nombreux Français, à partir de 1666), Venise capitule, fin septembre1669, et se retire de l’île, entraînant avec elle une grande partie de la population. Division de l’île en trois départements avec un pacha à leur tête. Terres vénitiennes attribuées aux militaires et dignitaires. Les Ottomans s’installent sur la côte et interdisent à la plupart des Crétois d’y résider ou d’y venir. Campagne et montagne deviennent refuge de la population de l’île. Nouvelle fiscalité et nouvelle juridiction (tribunaux religieux). Vie repliée, sans épanouissement possible, tant culturel, qu’artistique : un peuple créatif et imaginatif est mis sous éteignoir.

La Crète autonome, puis rattachée à la Grèce

1898-1913 : autonomie sous la protection des grandes puissances européennes –Russie, Autriche, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie– et de leurs armées basées sur l’île.

1913 : rattachement à la Grèce (« enosis ») à condition qu’un referendum le ratifie cent ans plus tard. Ce qui fut fait en 2013.

Repères géographiques1

La géographie de la Crète est le résultat d’une évolution géologique et d’une histoire sismique tourmentées. Trois massifs montagneux la structurent sur toute sa longueur et la traversent du nord au sud, d’une côte à l’autre. À l’ouest, les Lefka ori (« montagnes blanches ») culminent à 2453m. Au centre, le massif du Psiloritis culmine à 2456m. Les monts de Sitia ou de Dikti, à l’est, culminent à 2148m. Sur ces trois massifs, deux ont gardé le nom qui était le leur dans l’Antiquité. Le mont Ida (très boisé) a été rebaptisé par la vox populi en Haut mont (Psiloritis) lorsqu’il perdit sa parure de forêts. Ces montagnes sont enneigées jusqu’à fin avril et leurs sommets peuvent rester blancs jusqu’à fin juin. Ces massifs aux pentes abruptes sont, eux-mêmes, fendus par des gorges profondes qui partent de la zone montagneuse ou semi-montagneuse pour aboutir, en général, près de la mer. Peu de lieux humides et un seul lac d’eau douce, Kournas : petits marais en bord de mer, aux embouchures de petites rivières ou sur leurs rives, petits étangs. Vers la fin du Tertiaire, la flore crétoise trouve refuge dans les falaises calcaires, les éboulis d’altitude : de nombreuses espèces montagnardes endémiques en descendent directement. Sur 1500 espèces, environ, 700 viennent du Tertiaire et 200 sont propres à la Crète.

Le relief complexe fournit des biotopes qui se répartissent en zone côtière, zone plate, zone semi-montagneuse, zone montagneuse, zone préalpine et zone alpine. Ces biotopes sont la conséquence des vents du nord qui traversent la Mer Égée conjuguée à celle des vents chauds qui accourent depuis l’Afrique du Nord. En dehors de la zone côtière, les biotopes dépendent de l’altitude et de la température.

De la zone côtière à la zone montagneuse

Zone côtière : sur la bordure du rivage que la mer n’atteint pas. Plantes qui dépendent de la sa-lure marine. Oiseaux qui nichent et trouvent leur nourriture sur la plage : certains nichent sur les côtes rocheuses et escarpés (pigeon sauvage, alcyon, faucon). Phoques et tortues marines y furent en nombre. Ils ne restent plus que quelques phoques, à l’est et au sud.

Zone plate : jusqu’à 300 mètres : étage de plaines, de collines peu élevées ou partie basse des montagnes. Plantes et arbustes du maquis méditerranéen. Mammifères et oiseaux diffèrent peu de nos régions de basse ou moyenne altitude.

Zone semi-montagneuse : entre 300 et 800 mètres flore et faune semblable à celle de la zone plate, plus des caroubier, pins de Calabre, arbres de Judée, pour la flore, et des rapaces, pour la faune.

Zone montagneuse : de 800 à 1800m, abrite les trois grands plateaux d’Omalos, de Lassithi et de Nida. C’est le domaine des grands oiseaux de proie, tels le gypaète barbu, l’aigle royal, le vautour fauve. C’est aussi la zone d’élection du chamois crétois dont les voyageurs des 17ème et 18ème siècle mentionnent qu’ils vivaient en grands troupeaux alors qu’il a maintenant quasiment disparu et subsiste en faibles populations dans les gorges de Samaria. On y trouve des feuillus dans les partis basses (chêne kermès, érable crétois), comme dans la zone précédente, puis des pins et des cyprès dans les parties hautes. Nombreuses plantes indigènes de l’île

Zone sous-alpine : entre 1800 et 2000m, connaît un enneigement plus court et des étés plus chauds que la zone alpine. Les forêts d’origine ont disparu et on peut imaginer qu’y poussaient le même type de plantations qu’en Grèce continentale et au Péloponnèse. Seuls les chamois montent à cette alti-tude, en été, au-dessus des gorges de Samaria. On les aperçoit, parfois sur les sommets abrupts du Guiguillos.

Zone alpine ; commence à 2200m et concerne deux des trois massifs montagneux de l’île : celui du Psiloritis (Ida) et celui des Lefka ori. À l’intérieur de ces massifs, un ruissellement intense a créé des grottes, des ravins, des gorges qui ont leurs propres caractéristiques naturelles. Les gorges traversent l’île du nord au sud en partant des zones montagneuses ou semi-montagneuses pour se heurter à la mer qui leur succède. La plupart des plantes strictement crétoises se trouvent là parce que la configuration offre aux plantes et à la faune des conditions particulières de température, d’humidité et d’éclairage.

En Crète, les grandes différences d’altitude génèrent un étagement de la végétation. L’intérieur des terres et le haut des montagnes connaissent de fortes variations saisonnières de type continental : sec pendant l’été, pluvieux et froid pendant l’hiver. Dans les collines et les plaines côtières, climat tempéré avec hiver doux, étés chauds et brise ou vent en continu : la végétation est constituée par des plantes qui résistent au climat sec comme les oliviers, les pins d’Alep, les chênes, les araucarias-pins de Norfolk. À partir de 1000m, sur les hauteurs, se trouvent les conifères qui cèdent la place à des plantes rases dans les hautes montagnes. Les oliviers, vignes et figuiers se trouvent entre 300 et 800m sur des plateaux protégés, terrasses, coteaux. Les agrumes, aubergines, courgettes, tomates dont il est fait une telle consommation que les habitants sont persuadés que ce sont des plantes endémiques ont été introduits par les Perses (agrumes) et par les explorateurs d’Amérique centrale. En revanche, le safran était abondamment utilisé par les anciens comme assaisonnement et comme pigment.

1Source documentaire : Georges Sfikas Fleurs sauvages de Crète