Art et charisme

Sommaire

C‘est après avoir lu un ouvrage retraçant l’histoire de la chapelle dominicaine de Vence que m’est venue l’idée décrire une réflexion sur le thème du charisme en art. Je me suis posé la question de voir en quoi le charisme comme « don particulier conféré par la grâce divine pour le bien commun »i ou comme «  qualité qui permet à son possesseur d’exercer un ascendant, une autorité sur un groupeii » pouvait s’appliquer, par exemple, à deux peintres qui se sont bien connus, tels Matisse et Picasso, à des musiciens ou à des écrivains, à condition de laïciser un peu la première définition.

A- la peinture

Matisse

À chacun son charisme, selon sa personnalité, ses choix personnels, son caractère. Matisse et Picasso relèvent ainsi de l’une ou l’autre de ces définitions. Celui de Matisse a été de toujours se dépasser dans le dépouillement de la figuration pour atteindre le point où la transcendance spirituelle rejoignait l’immanence de la condition humaine. Il a cherché ainsi à aller toujours plus loin dans une figuration de plus en plus épurée des lignes figurant plantes, éléments, personnes, afin d’atteindre l’essence constitutive de leur être et de trouver un langage universel qui parlerait à chacun –d’où il venait, d’où il était– d’un bien commun pour l’humanité. La Chapelle de Vence, dans le département du Var, en est l’ultime sommet, comme le montre sa genèse au fil des courriers échangés par les membres de l’équipe qui s’était constituée autour de luiiii. Le peintre insiste à plusieurs reprises, lui qui se disait athée, sur la force intérieure puissante et exigeante qui le pousse à aller constamment au-delà de l’apparente finitude de son talent : « Ce n’est plus moi qui décide, c’est Dieu qui me guide ». « Si je crois en Dieu, oui, quand je travaille, quand je suis modeste ». Il fait ainsi l’expérience, épuisante par moments, de cette grâce divine qui ne lui laisse pas de répit dans la constitution d’une œuvre au service du bien commun. Cela implique des tâtonnements, des revirements, des abandons d’éléments décoratifs ou architecturaux qui semblent aboutis aux yeux des équipiers, lesquels ont du mal à comprendre et à suivre ce sinueux parcours créatif au long cours. À ceux qui s’étonnent de cette recherche incessante qui semble ne devoir jamais se fixer pour une réalisation définitive, il explique : « Je fais une répartition des forces. Mon sentiment intérieur, que je ne connais pas, lui donne un rythme. Il faut agir sans réfléchir pendant l’action. » Ce que résume ainsi l’un de ses interlocuteurs : « Matisse pénètre profondément ce à quoi il s’arrête, d’où une spiritualité d’équilibre et de continuité qui crée accord avec son être intérieur et tranquillité. » Tranquillité qui ne va pas sans combats, doute et insomnies. Pour l’élaboration du « grand-oeuvre » de sa vie, la contribution au bien commun de son charisme l’amène à remettre cent fois son ouvrage sur le métier, comme le dit fort bien un expression populaire. Il remet, refait, recommence, tâtonne, tatillonne, abandonne ce qui semble déjà être parfait aux yeux des autres, tel un musicien sur une partition qu’il porte en lui et qui ne sort que petit à petit. En effet, c’est cela qu’il cherche et qu’il finit par trouver : la continuité musicale des couleurs, grâce à la lumière qui les marient avec la forme des objets et des représentations sur les murs. Cette lumière qui vient de l’extérieur, toujours changeante, toujours présente, souvent mouvante par l’effet du vent, transforme les couleurs des vitraux en partition qui fait chanter les instruments statiques des murs et des meubles. « Je n’ai pas d’imagination. Il faut que je m’imprègne des choses, il me faut d’abord recevoir pour donner. » Matisse, cet homme du nord de la France redonne à la région du midi ce qu’elle lui a donné. Matisse, l’homme qui avait abandonné la religion de son enfance redonne aux religieux la confiance, l’amitié qu’ils lui ont offertes ainsi que les échanges fort riches dont il a bénéficié avec d’autant plus de joie qu’il craignait, au départ, sectarisme et dogmatisme de leur part.

À l’inverse de Matisse, le charisme de Picasso correspond à la deuxième définition de ce mot dans le sens où il a constamment oeuvré dans sa vie et dans sa production artistique à exercer son ascendant sur ses œuvres et sur son entourage, et à en garder le contrôle. Lorsque Matisse, pour la Chapelle de Vence, utilise son ascendant, son autorité de « maître » (comme le désigne ses correspondants) pour contrôler de façon méticuleuse l’exécution, pas à pas, de son œuvre ultime, il est au service d’un projet commun, voulu par d’autres, et qu’il a fait sien de tout son cœur. À l’inverse, pour Picasso, la volonté d’ascendant, d’autorité et de contrôle procède d’un besoin intérieur de sécurité qu’il doit assouvir à tout prix, à n’importe quel prix. Matisse, lui aussi, a ce besoin de sécurité intérieure et il en parle librement dans les entretiens et courriers rapportés dans l’ouvrage cité ci-dessus, mais, à la différence de son ami, sa recherche artistique consistant à maintenir en équilibre figuration et abstraction sans renoncer à l’une ou à l’autre et sans privilégier l’une au détriment de l’autre l’a progressivement apaisé en l’amenant vers une spiritualité qui puisait dans cette insécurité aliment, énergie et capacité de dépassement.

Picasso

Le charisme de Picasso est plus en phase avec l’air d’un temps qui amorçait celui qui travaille les sociétés occidentales ou occidentalisées actuelles. Comme lui, nombre d’artiste musiciens, sculpteurs, plasticiens, peintres sont sensibles aux courants souterrains imperceptibles aux sens d’une personne « normale », et l’exprime dans leur art. Son génie prophétique, annonciateur et dénonciateur de ces courants provient de son hypersensibilité personnelle à tout ce qui est déchirement, insécurité, recherche d’équilibre, tout en cédant à la fascination du danger de déséquilibre et d’insécurité. Son charisme pour le bien commun fut de mettre en évidence la déchirure entre l’instinct de préservation de l’équilibre personnel et la pulsion affective et sexuelle de l’homme ; entre les limites imposées par les valeurs morales et la tentation d’aller vers des extrêmes. Son art a été de transcrire cet oscillation entre deux pôles par des phases figuratives douces qui alternent avec des phases sardoniques, ou démantibulantes. Cela se voit clairement dans les portraits successifs de ses compagnes. Il y a la période de séduction amoureuse où la femme aimée est peinte sur un mode figuratif apaisé. Il y a la période de couple où le visage est plus fouillé comme pour y trouver son mystère. Puis il y a celle où le peintre est en train de regarder ailleurs et cherche à se défaire d’une amoureuse qui a cru être la femme de sa vie. Le visage est alors défiguré, torturé, peint tout à la fois de face, de profil et de trois-quarts ce qui donne des emplacement bizarres au nez, à la bouche, aux yeux. Et ce cycle se répète à chaque nouvelle rencontre, Picasso rejetant une femme de sa vie quotidienne tout en la gardant sous son contrôle en pourvoyant financièrement à ses besoins divers, logement compris, et en lui rendant des visites régulières. Il passe ainsi d’une phase extatique, prémisse à la construction d’un couple, à une phase de destruction de ce couple. Il s’en suit une défiguration de la compagne qui semble être abandonnée –puisque le couple n’existe plus– mais qui, de fait, ne l’est pas complètement car elle demeure sous la dépendance du « maître ». Les seules compagnes qui lui aient résisté étaient des artistes et il ne leur a pas pardonné de prendre leur indépendance vis à vis de lui et leur envol en dehors de lui. Les autres se sont suicidées à un moment donné.

Picasso est ainsi l’exemple d’un charisme qui se cherche du côté spirituel du « don particulier accordé par la grâce divine pour le bien commun » et croit, à chaque nouvelle rencontre, y parvenir pour se retrouver, plus tard, sur le versant de l’abus d’un ascendant en autorité que nul n’osera contester. C’est ainsi que son avant-dernière compagne, Françoise Gilot se retrouva dans l’impossibilité de lier contrat avec un galeriste, son irascible compagnon ayant menacé tout galeriste contrevenant de le pousser au ban de la profession.

Lurçat

À l’instar de Matisse, Lurçat incarne, avec Le Chant du Monde, un charisme mis au service d’un message à la fois clair et mystérieux. À l’instar de Picasso, il met sa colère au service de ce message. Le Chant du Monde dénonce, en effet, les désastres de la guerre et le climat humain d’effroi et de peur généré par la guerre froide ainsi que les séquelles physiques et psychologiques dues à toutes les guerres du 20ème siècle. Avec la volonté d’exploiter ses découvertes et expérimentations artistiques au service d’une réflexion à partager, il conte son époque avec les six panneaux qui décrivent les horreurs de la guerre auxquels succèdent les six panneaux sur l’espoir et la beauté du monde, dont celui sur l’homme en gloire de la paix. « Tout s’y mêle, s’y entrecroise, tout y est tissé, tressé dans cette longue aventure. Ne vous étonnez donc pas d’y trouver du fiel et du miel. Ce n’est pas un lamento, moins encore une romance. Mais terminée, cette œuvre dont l’avenir dira si elle fut valable ou inutile, n’aura pas posé sur la vie un regard oblique ou funèbre. » 

Ce cheminement où se retrouvent « certaines cicatrices, certaines expériences personnelles (les unes éprouvantes, échevelées, d’autres tragiques) », ce cheminement qui part de la colère pour aboutir à un don d’amour universel est aussi celui de Bernanos. Dans ses œuvres, ce dernier analyse cette pulsion qui est souvent une affirmation de soi et de son identité et qui va, trop souvent, jusqu’au ressentiment et à la haine de tout obstacle quel qu’il soit, pour en arriver à l’affirmation qu’il y a possibilité de la transcender par l’amour qui est son envers : amour irrésistible envers soi et envers tout ce qui est la vie. « Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même. » (Journal d’un curé de campagne).

Braque

Braque, quant à lui, tempère une vision militante de l’art en soulignant que « les événements contemporains influencent le peintre, cela va de soi, mais dans quelle mesure et sous quelles formes, cela ne peut être déterminé… Son rôle n’est pas de prophétiser. Ce qui est viable, dans la création, se forme comme indépendamment de la volonté.»iv Et c’est justement cette vision modeste de la création qui en fait un prophète artistique aux yeux d’Apollinaire : « Ce peintre est angélique. Il a enseigné aux hommes et autres peintres l’usage esthétique de formes si inconnues que quelques poètes seuls les avaient soupçonnées. » v

Georges Braque, j’en fais ma transition vers le chapitre suivant parce qu’un jour, il s’est fait une place dans ma mémoire après que j’ai lu dans un Paris-Match de septembre 1963 qu’il lui fallait la musique de Bach pour travailler à ses tableaux. Dans un ouvrage collectif, Braque, l’espace réinventé, l’une des contributrices résume l’appréciation de l’historien d’art, Carl Einstein, lorsqu’il compare ce peintre avec Picasso. « À la différence de Picasso, qui présente à un rythme effréné de nouvelles inventions de formes et de couleurs, Braque s’emploie à perfectionner constamment son art pour atteindre la pureté et l’équilibre de la forme et de la composition. Le langage graphique du peintre atteint ainsi des qualités canoniques ; ses œuvres ne rompent pas avec ce qui a déjà été atteint, comme chez Picasso, mais visent la « qualité pure » et la «réussite totale ». 

B – la musique

Au cours des pages qui précèdent, j’ai fait plusieurs fois allusion à la musique, il est donc temps que je lui accorde une petite place à partir de mes impressions personnelles sur Mozart et Bach et sur la base de ce que Claude Debussy écrit dans le recueil Monsieur Croche et autres articles.

Je parlais plus haut des tâtonnements de Matisse pour atteindre son point d’équilibre intérieur et d’accord profond. Jean-Sébastien Bach en est l’exemple le plus accompli dans le domaine de la musique et, selon moi, aurait fait siennes nombre des réflexions du peintre. Comme Matisse également, il a, de ce fait, accompli une œuvre intemporelle. À l’inverse, Wolfgang Amadeus Mozart fut, à ma connaissance, un des seuls artistes qui ne connut pas ces tâtonnements ou fort peu. Chez lui, l’expression musicale jaillit comme une évidence, telle la résolution parfaite d’une équation, dans son déroulé et son processus : tout est à sa place, pas une note en trop, pas une note à rajouter. Mozart donne et redonne ce qui lui a été donné dans une joie de vivre sans cesse jaillissante, malgré les déceptions, échecs et revers qui colorent cette joie de la couleur plus sombre, et plus inquiétante, de la maturité. S’il atteint d’emblée la plénitude de son art, c’est sans doute parce qu’il est toujours resté proche de l’enfant en lui, comme l’attestent les bouffonneries courantes de ses courriers

Dans Monsieur Croche, Debussy donne, à propos de Vincent d’Indy, une définition de ce que peut être le charisme en art. Il souligne d’abord la probité de ce musicien pour applaudir « la hardiesse tranquille à aller plus loin que lui-même ». Avant d’en arriver là, ce musicien avait fait admirer à ses amis « la haute maîtrise de son écriture, un peu au détriment de ses idées. » Mais « le métier n’arrive à une expression de beauté qu’en en supprimant tout jeu de combinaisons abstraites », donc en supprimant toute expression réflexive de l’ego qui se regarde travailler et approuve certaines combinaisons sonores (pour le musicien) ou visuelles (pour le peintre), et certaines audaces ; ce que Carl Einstein appelle « le fragment tragique qui en fin de compte garde toujours l’enflure de l’étude, et cela malgré toute la stimulation que l’inachevé peut suscitervi. » Appréciation qui se retrouve sous la plume de Jacques Chailley lorsqu’il analyse un plagiat de Wagner sur une œuvre de Berlioz : « L’analyse comparée des deux textes est singulièrement éloquente. Le contenu musical et expressif est rigoureusement identique. Mais Wagner écrit tout en bloc ; Berlioz n’écrit que ce qui est nécessaire, dosant le détail et sachant jouer de l’implicite pour faire deviner le reste.vii »

En se détachant de l’attitude d’auto congratulation, l’artiste libère une expression qui jaillit de sa profondeur tel l’enfant qui joue avec le jaillissement de la vie sans se poser de question, dans la contemplation et la jouissance de ce qu’il arrive à créer. La comparaison avec l’enfant s’arrête à la technique et à l’apprentissage de son art que l’artiste a dû intégrer en lui avant de pouvoir retrouver cet créativité apparemment sans apprêt, souverainement simple.

C – le charisme inspirateur en art

Dans l’histoire de l’art, un homme donna l’exemple extrême d’un charisme qui peut être qualifié de jusqu’au boutiste. Par les poèmes et écrits qu’il a laissés, par sa postérité picturale, François d’Assise doit être considéré comme un artiste au service du bien commun des hommes et de la nature, dans le sens le plus large du terme. Il le fut par sa capacité d’émerveillement pour tous les phénomènes de la nature, mais aussi dans la transposition de cet émerveillement lorsqu’il était en contact avec les êtres vivants, humains ou animaux. La dureté avec laquelle il mena parfois ses frères relèverait plutôt de l’ascendant avec une autorité qui semblerait excessive si elle n’était pas remise dans un contexte où, pour lui, la proximité avec les très pauvres primait. Il n’a pu vivre la logique extrême de son souci du bien commun pour tous les humains que parce qu’il s’adossait à une structure psychique qui s’était élaborée dans le bonheur et la sécurité d’être aimé et de voir ses besoins satisfaits au fur et à mesure. C’est grâce à cette solidité préalable qu’il a pu être dans ce charisme jusqu’à la compréhension de ce qui sépare la misère de la pauvreté et la mise en acte de cette compréhension tout en gardant son équilibre mental et psychique. Il a évité ainsi de verser dans la tentation de la toute puissance d’un chef de secte qui met son charisme au service de son pouvoir sur autrui. François d’Assise, lui, l’a mis au service de l’amour à partir du moment où il a renoncé à la vie facile de jeune homme riche pour embrasser la cause des très pauvres.

Ce charisme intransigeant mis au service du bien commun pour tous et pour chacun a abouti à un dépouillement de l’ego toujours plus approfondi, parce que soutenu par la volonté d’être au service des plus pauvres en étant au plus près d’eux. Il faisait ainsi la différence entre la pauvreté subie des personnes mises au ban de la société, dont l’exemple extrême était les lépreux, et la misère morale de certaines personnes qui l’entretenaient par leurs plaintes et leur repliement sur elles.

L‘influence décisive de François d’Assise sur l’art de son époque et de celles qui on suivi découle de la gratuité d’une vision qui ne devait rien à l’étude, à la technique, au pouvoir temporel, à un quelconque projet d’influencer ou de marquer son temps autrement que par l’exemple de vie qu’il donnait. Son tempérament d’artiste et de poète, sa sympathie envers toutes les formes de la vie, son élan et son imagination spontanés et généreux influencèrent toutes les formes d’art. La musique devint la transposition humaine de l’invention mélodique des oiseaux au point qu’Olivier Messiaen, au vingtième siècle en fit son credo artistique. La poésie fut la mise en mots de l’émerveillement devant la créativité sans cesse renouvelée de la nature. La peinture se devait de traduire toutes les couleurs proposées par cette même nature. Tout cela renouvela le regard et le mode de conception de l’art dans l’Italie du 13ème siècle à commencer par ses premiers disciples qui composèrent des chants encore admirés de nos jours, ou une mosaïque au baptistère de Florence.

Ce qui bouscula les esprits et mit en branle le renouveau artistique fut son rappel constant à l’admiration et à l’amour que méritait le monde terrestre en attendant celui des cieux. Il remettait ainsi la vie et son mouvement au cœur de l’expression artistique. À partir de là, les représentations en peinture de figures religieuses vont perdre leur position hiératique, pour se rapprocher de la vérité humaine en étant plus animée. Avec Giotto arrive le moment de reconquérir des libertés d’expression et de coloris en abandonnant les compositions traditionnelles, les formules et canons imposés pour retremper l’inspiration en ouvrant les yeux sur ce qui s’offrait à eux chez les humains (costumes, attitudes, postures….) et dans la variété changeante de la nature. En écrivant ces lignes, je fais le lien avec ce que j’ai vu et appris de l’école artistique crétoise qui se créa au 15ème siècle. La popularité du « poverello » dans l’île fut certainement très féconde dans les peintures religieuses car elle suivit le mouvement de dé-hiératisation décrit ci-dessus.

En matière de musique, l’impulsion fut donnée de son vivant par ses proches et fit des émules au cours des siècles. Pour le 20ème siècle en France, Gabriel Pierné, Francis Poulenc , Manuel Rosenthal, Arthur Honegger, Olivier Messiean en donnèrent des preuves éclatantes. De nos jours, François d’Assise demeure une puissante force d’inspiration au point d’avoir été le thème d’une exposition à Caen, en 2016, et d’avoir suscité deux livres Pluriels en 2019 chez l’éditeur Garnier.

D – Charisme ou magnétisme ?

Alors que j’étais bien avancée dans ma réflexion et son écriture, un film m’a invité a faire une incursion du côté de ce que l’on appelle le « génie ». Ce film, Les Intranquilles de Joachim Lafosse présente un artiste bipolaire, malade de ses émotions et écartelé entre la dépression et l’hyperactivité. Est ainsi posé une sorte de postulat selon lequel un artiste ne peut l’être réellement que s’il trouve son inspiration dans le dérèglement, le trouble et l’anomalie, rejoignant ainsi les héros de la seconde période du romantisme et de la deuxième moitié du 19ème siècle où le génie en art était le fait d’artistes maudits. L’art serait donc le fruit d’une malédiction et ne serait authentique que lorsqu’il est lié à une expression émotionnelle. Faudrait-il être exalté et vulnérable pour créer et trouver l’énergie nécessaire à la création artistique ? Faudrait-il appuyer l’imaginaire sur une force décuplée par l’hyperactivité émotionnelle ? Faudrait-il faire le choix d’être un funambule au-dessus d’un gouffre lors de l’instant créatif ? Le génie serait alors celui qui gêne, qui est intranquille ou celui qui fuit la tranquillité dans la jouissance d’une singularité qui le distingue du commun des mortels ? Jusqu’à devenir fou comme Nietzsche qui alla jusqu’au bout des forces équilibrantes de ses ressources intérieures et mit toute son énergie à « exercer un ascendant, une autorité sur un groupe », celui de ses lecteurs, au point de leur infiltrer un peu ou beaucoup de son irrationnel.

Gilles Deleuze semble aller dans ce sens lorsqu’il écrit sur le peintre Francis Bacon : « En art et en peinture, comme en musique, il ne s’agit pas de reproduire ou d’inventer des formes mais de capter des forces. » Cette définition me semble ambiguë par le fait qu’elle peut s’appliquer à l’une ou l’autre des définitions du charisme. Si on l’entend dans le sens de captation de forces émotionnelles souterraines qui mijotent chez un peuple, Nietzsche en est un bon exemple et Wagner encore plus comme génie calculateur qui a fort bien humé l’air d’un temps et a volé très haut par l’effet de son courant ascensionnel. En effet, son génie est celui d’un attrape-tout au service de sa propre gloire et d’une image soigneusement cultivée et entretenue au détriment de ceux, qui trop naïfs, crurent en son génie et furent victimes de son appétit d’ogre. Il est attrape-tout en musique où il s’approprie les grands effets outranciers à visées émotionnelles de Meyerbeer, où il pille Berlioz en faisant croire que cela relève de son invention particulière : tel est le cas du leitmotiv qui existe déjà dans la Symphonie fantastique.

Attrape-tout économique, il essore financièrement Louis II de Bavière et Hans Von Bulow dont il a utilisé la notoriété de chef d’orchestre comme marche-pied. Attrape-tout sentimental, il lui prend sa femme. Attrape-tout, tout court, il reprend au même un manuscrit qu’il lui avait vendu lors d’une période de dèche afin de le revendre à un très offrant. Il a essoré la musique qui l’avait précédée en pressant, tel un citron, toutes les formules qui avaient été utilisées avant lui « dans une formule qui parut personnelle parce que l’on connaît mal la musique ». « Sans nier son génie, on peut dire qu’il a mis le point final à la musique de son temps à peu près comme Victor Hugo englobe toute la poésie antérieure. » « Wagner fut un beau coucher de soleil que l’on a pris pour une aurore. » (Debussy)

Par son talent, son toupet, son égocentrisme et son sens des réalités matérielles, Wagner a imposé un ascendant charismatique et il a transformé les effets émotionnels qu’il tenait de Meyerbeer en magnétisme. Il correspond ainsi à la définition qu’en fait Platon cité par Vladimir Jankélévitch : « Le musicien, comme le rhéteur, joue avec des enchantements périlleux. » Après cette citation, le philosophe commente : « Il met en œuvre un art passionnel d’agréer, c’est à dire de subjuguer en suggérant et d’asservir l’auditeur par la puissance frauduleuse et charlatane de la mélodie, de l’ébranler par les prestiges de l’harmonie et par la fascination des rythmes… Par la modulation musicale, il pose un acte qui prétend influencer l’être. »

Avec Wagner, on mesure donc le grand écart qui sépare les deux définitions proposées en tête de cet article. Dans la première définition, la personne devient charismatique en se mettant au service du bien commun. Dans la deuxième définition, la personne devient charismatique en imposant son ascendant, soit au service de sa propre gloire (Wagner) soit au service de sa propre vérité (Nietzsche). Dans ces deux cas, l’excessive volonté d’imposer un ascendant les a portés jusqu’au magnétisme qui n’a rien à voir avec le charisme tel que définit plus haut, mais tout à voir avec une intransigeance dans l’exercice de ce charisme.

Parfois le passage magnétique se fait de la première à la seconde définition et guette ainsi celui qui, se mettant au service d’un élan qui agit en lui, le meut et le dépasse, oublie de cultiver l’humilité et transforme son élan intérieur en vérité qu’il doit imposer. S’il oublie le lest de l’humilité qui l’enracine et l’équilibre, le frottement avec autrui qui le réinterroge sur la valeur et la justesse de son élan, il se détache de la réalité contingente et, porté par sa seule réalité intérieure et par son seul courant prophétique, il se met à planer en apesanteur, désincarné et dévertébré par perte d’une structure solide. Le magnétisme relève alors d’une dérive de ce qu’est un ascendant intérieur raisonné, conscient qui débouche sur des actes concrets au service du meilleur en soi à transmettre à celui qui le veut. Nietzsche est un exemple de cette dérive où, à un moment donné, il s’est oublié pour n’être plus qu’au service de ses visions à cause de la priorité donné au concept lequel a fini par le dévorer.

E – le charisme : source de joie et d’intranquillité « Tout ce qui est beau est tranquille. La vérité est spirituelle » (Matisse)

Tout comme François d’Assise, Matisse, Lurçat, Bernanos arrivent à une forme d’épanouissement dans leur œuvre par un don total à ce qui les pousse à créer. Ils obtiennent ainsi un climat de joie jaillissante et transcendante. Celui qui regarde ou qui lit en est submergé par une émotion profonde et intraduisible, provocante et intranquille. Ainsi, selon ce qu’il est, il va vivre soit la plénitude de cette joie, soit la résurgence d’une douleur cachée qui barre l’accès à cette joie. Dans cette deuxième option, il prend conscience qu’elle est très désirée tout en lui semblant inaccessible ; comme s’il n’était pas digne de s’approprier cette joie, comme s’il était victime d’une malédiction qui le retranche d’un épanouissement personnel possible et pourtant impossible. Et ce pour des causes multiples qu’il aura à démêler s’il le désire : l’émotion angoissée et angoissante qui le taraude l’y invite.

Le charisme, pour aboutir au dépouillement spirituel qui débouchera sur un chef d’oeuvre sublime et transcendé suppose que l’artiste maintienne constamment un équilibre entre le réel et l’au-delà, la contingence matérielle et la transcendance. Braque qui ne prétend ni au spirituel ni à la transcendance l’exprime ainsi : « On ne fait pas assez crédit aux forces obscures qui nous entraînent, celles que beaucoup, dans leur mise au point optimiste de l’univers, prétendent ignorer, celles, au contraire, qu’il faut contrôler, avançant avec lenteur et retrouvant toujours devant nous le mystère que nous faisons reculer ». Pour que cet équilibre se maintienne, il est nécessaire qu’il cultive l’humilité en lui et qu’il inverse l’énergie inhibitrice de la peur en force créatrice. C’est le constat que l’historien Carl Einstein fait à propos de Braque : Il « n’attend pas de connaître trop tard les limites pour se résigner devant la toile. Il pose avec sagesse des bornes avant l’esquisse. Il réussit ainsi, comme peu d’autres aujourd’hui, à porter ses tableaux à la perfection et cette modestie initiale fait briller ses toiles de toute la force du métier. Chez lui, esquisse et solution se compensent en un équilibre classique. »viiiGuillaume Apollinaire voit en Braque un homme « qui a remis en honneur l’ordre et le métier, sans quoi il n’y a pas d’art… [Son travail] contient une multitude d’éléments esthétiques… dont la nouveauté est toujours d’accord avec le sentiment du sublime qui permet à l’homme d’ordonner le chaos. »ix

Matisse choisit, lui aussi, de se laisser porter et guider par une conception qui se dégage peu à peu des limbes de son être et, ce faisant, choisit la conciliation entre les contraintes et sa vision intérieure. Les contraintes qui sont matérielles et techniques émergent au fur et à mesure que la réalisation de sa vision artistique devient de plus en plus réelle. À chaque pas, la contrainte matérielle l’oblige à choisir entre ce qui est essentiel et ce qui l’est moins et donc, à approfondir sa vision de l’oeuvre, mais aussi à dire « non » à des propositions qui semblent plus logiques ou de bon sens, ou plus économiques. Il reste ouvert à tout cela et le confronte constamment aux exigences intérieures induites par la vision qui le guide dans une recherche inlassable pour inventer l’expression qui en sera la plus proche possible. Lurçat ne dit pas autre chose, lorsqu’à propos de la tapisserie « Le Chant du monde », il parle de sa volonté d’exploiter ses découvertes et expérimentations artistiques. Quant à Braque« c’est un homme patient. Son visage est si humble qu’il semble avoir vu la paix » (Jean Paulhan)i.

L‘intranquillité de Picasso se situe à un niveau plus affectif et plus charnel. Matisse a toujours eu peur d’être rejeté, mais s’en est dégagé petit à petit par l’acceptation de son génie propre et hors mode idéologique. Selon moi, Picasso est plus hanté par la peur de l’abandon, celle de ne plus être rien pour personne. Cette peur l’amène à se surinvestir dans le contrôle affectif et dans le contrôle de gestion de son œuvre, mais aussi à s’investir constamment dans des projets nouveaux et originaux pour lesquels il s’enthousiasme et dont il finit par se lasser. L’expérience de Vallauris en est un bon exemple : elle a beaucoup fait parler de lui au-delà des cercles artistiques et elle l’a fait exister jusque dans les milieux les moins concernés par la chose artistique, mais il l’a interrompue brutalement.

Conjointe à la peur de l’abandon et de n’être plus rien de ce fait, se trouve la peur de la dépossession de soi par mise sous emprise et de n’être plus rien de ce fait. Picasso, dans sa vie affective, oscillera entre le besoin de paix amoureuse auprès d’une femme (et donc une forme d’abandon de soi pour vivre et partager un amour) et la reprise en main brutale de sa liberté. Sa peur de la dépossession l’amènera à rejeter un être aimé dans la recherche incessante de l’être dont il n’aura plus peur ni d’être abandonné ni d’être dépossédé de soi par emprise. Cependant, rejeter un être aimé par souci de garder le contrôle ne signifiera pas pour lui l’abandonner : il ne perdra jamais de vue ses anciennes amours que ce soit dans un souci de protection affichée ou de vindicte tout autant affichée. Cette angoisse profonde d’être dépossédé de lui et d’être mis sous emprise, il l’a aussi manifestée dans une gestion minutieuse, exigeante, et parfois vindicative, de ses œuvres qu’il ne vendait et n’exposait qu’au compte goutte et à ses conditions.

Il me semble qu’il est plus facile, pour un peintre ou un sculpteur de garder l’équilibre entre la pulsion créatrice et la réalité, car ils sont aux prises, l’un avec un cadre qui limite son expansion et l’autre avec une matière qui lui résiste et avec laquelle il ruse, se bat, tout en finissant par accepter ce qu’elle lui impose. Matisse en fait l’expérience pour la fabrication des verres et des couleurs destinés aux vitraux ainsi que celle des carreaux de céramique qui couvriront les murs et serviront de support à ses dessins. Picasso fait une expérience semblable à Vallauris. Il en va de même pour Lurçat. Ainsi le charisme de l’artiste ne peut arriver à « une expression qui va la rendre universelle de paix et de communion entre les hommes et les peuples » (projet explicite de Lurçat) que par un travail d’équipe avec les artisans (hommes et femmes de l’art) qui mettront leur savoir faire (leur art) au service de la vision de l’artiste par un dialogue qui amènera l’artisan à dépasser une forme de routine technique et l’artiste à épurer ses exigences, à choisir entre ce qui est essentiel et ce qui l’est moins pour aller encore plus loin dans ce qu’il croyait acquis (d’un point de vue artistique) par le frottement avec les contraintes des techniques et des matériaux envisagés. Il en résulte, de part et d’autre des tâtonnements non prévus et un enrichissement dans l’art d’exercer chacun son métier.

Le musicien pétrit une matière plus impalpable et plus cérébrale puisqu’elle passe par l’écriture pour être pérennisée. Il fait constamment l’expérience que l’air qu’il exprime spontanément en improvisations libres se laisse difficilement saisir une fois la plume en main. L’équilibre qu’il doit maintenir se situe entre une expression et une inspiration qui sont en lien avec le vital (l’air). À partir de son inspiration, il doit donc choisir une forme d’expression qu’il laissera jaillir de la façon la plus libre possible, tel Mozart, à l’intérieur d’une forme prédéfinie, telle la forme « sonate » pour la musique classique. Cette forme aura la même fonction limitatrice que le cadre pour le peintre. Mais la musique étant à la fois inspiration et expression de l’air, le musicien aura à choisir de s’y vivre libre (Mozart) ou d’y exercer un contrôle de bout en bout, tel Stravinski dont les inventions sont de moins en moins spontanées au fur et à mesure qu’il progresse dans la maîtrise de son art. Les contraintes et techniques dont il a à tenir compte sont toutes d’ordre physique (capacité de souffle, agilité des doigts, tessiture d’une voix), à l’exception des limites imposées par l’instrument qui joue un rôle de cadre qui complète celui de la feuille de papier.

Le charisme de Jean-Sébastien Bach est discret et peu visible, car il est constamment au service du bien commun du fait de sa foi religieuse, de sa charge de maître de chapelle et de l’acceptation assumée d’un cadre d’écriture complexe (la fugue) qu’il utilise comme un défi permanent à son inspiration pour une expression paradoxale puisqu’elle se décorsète d’un cadre corseté. En découle une musique tellement limpide que l’oreille en retient l’air et non la complexité. Comme le résultat évite les effets un tant soit peu spectaculaires, on en oublie que la musique de ce musicien est peut-être l’expression la plus accomplie du charisme. Comme l’écrit Claude Debussy, « il ne s’agit pas de travailler dans « le gros », mais dans « le grand ; il ne s’agit pas non plus d’ennuyer les échos avec d’excessives sonneries, mais d’en profiter pour prolonger le rêve harmonique dans l’âme de la foule. » Et pour paraphraser le même Claude Debussy, l’artiste doit se dégager du souci de faire admirer à ses amis la haute maîtrise de son art au détriment de la beauté de ses idées, et devenir, comme Orphée, celui dont la musique « rend plus doux ceux qui l’écoutent car en chacun de nous, elle pacifie les monstres de l’instinct et apprivoise les fauves de la passion, ainsi que l’affirme Vladimir Jankélévitch.

Conclusion

Il fut un temps, lors de périodes troublées, où des personnes en vinrent à la conclusion que la violence ne peut venir à bout de la violence et que, seul, l’amour le peut parce qu’il fait exister chacun comme être humain. Est-ce un hasard si Braque, Matisse, Lurçat, et quelques autres, atteignirent des sommets créatifs dans de telles périodes ? Il fut des temps où des artistes en « mirent plein la vue » (ou les oreilles) par la simplicité de leur art qu’il en atteignit une portée universelle parce qu’il alliait la beauté à l’amour.

Dans les débuts de la civilisation occidentale chrétienne, le charisme eut une portée plus missionnaire par une attitude d’épurement et de dépouillement des lignes qui invitait les ouailles à se détacher des biens et vicissitudes de ce monde pour envisager un au-delà joyeux et tranquille. Cette expression spirituelle fut celle de l’art roman (épuré) et de l’art cistercien (dépouillé). Elle était fort proche de ce que l’on voit, par exemple, à Ravennes (Italie) où le hiératisme des personnages confère ce sentiment de tranquillité. Puis, au cours des siècles, deux tendances se manifestèrent : l’une maintint une tradition qui se figea en codes graphiques, l’autre s’en émancipa sous l’effet d’un bouillonnement culturel et artistique généré par la prospérité économique et une porosité aux influences venues d’ailleurs. Dans les pays de tradition orthodoxe byzantine, les icônes figèrent en codes graphiques les représentations par fresques qui avaient subi les méfaits des iconoclastes. Dans les pays catholiques, le hiératisme et le dépouillement de l’art roman fut bousculé par l’exubérance gothique puis le maniérisme de la Renaissance. La Crète est une exception à cette dichotomie puisque ses artistes trouvèrent la synthèse entre tradition et intégration d’influences extérieures. Ils s’affranchirent de codes étroits pour puiser à la source de la vie jaillissante tout en restant eu service du bien commun spirituel nécessaire à la communauté.

Aujourd’hui, le dilemme est toujours d’actualité entre l’expression d’un charisme qui fut bon à une époque parce qu’adapté à sa réalité et qui s’est renouvelé, au fur et à mesure, en réponse aux défis posés par les évolutions et révolutions de l’histoire, et un charisme qui s’est figé en stéréotypes mentaux et artistiques au prétexte que ce qui était bon pour une société déterminée l’était à jamais. Affirmation à laquelle je mets un bémol dans le cas de sociétés telles que la Crète ou la Perse ancienne dont le génie créatif a été implacablement étouffé par des régimes politiques implacablement totalitaire dans leur vision politique, idéologique, sociale ou religieuse et n’a donc pas eu à choisir entre ces deux options. Le passage d’un charisme à base religieuse à un charisme plus laïc a été fort bien posé par Guillaume Apollinaire, au tout début du vingtième siècle : La grandeur artistique d’aujourd’hui est « bien différente de celle qui avait jadis haussé les peintres (sentiment religieux, sentiment de l’antique) et qui entraînait la responsabilité de la société toute entière. La grandeur en art n’est plus le fait d’une inspiration issue des croyances d’un peuple ou des élites. Il s’agit de trouver à cela quelque chose d’équivalent. »ii

Quoiqu’il en soit, le charisme en art consacre une forme d’éternité –sans doute moins en littérature que dans les autres arts– quelle que soit l’époque ou les modes. Celui qui lit un livre, s’arrête devant un tableau, écoute une musique, y trouvera quelque chose d’indéfinissable qui l’obligera à faire une pause pour se nourrir et s’approprier le déclic, le frémissement, l’acquiescement, la joie, peut-être, la paix qui ont éclos en lui ou qui se sont épanouis ou qui ne demandaient qu’à s’épanouir.

Avant de terminer, un mot encore sur le charisme communément accepté désormais comme la manifestation extérieure évidente d’un ascendant sur autrui sans lequel il ne saurait y avoir de dirigeants crédibles. C’est, du moins ce que laisse entrevoir un journaliste à propos de Jean Todt, président de la Fédération internationale automobile qui a pris sa retraite, il y a quelques mois, après douze ans d’exercice et un bilan positif : « figure peu charismatique mais incontournable ». Ce à quoi répond Daniel Cohn-Bendit en donnant ce conseil à un débutant en politique : « Exprime ce que tu crois être nécessaire et non ce que tu crois que les autres attendent de toi. Il faut être guidé de l’intérieur. »iii

Bibliographie

Guillaume Apollinaire : À propos de Georges Braque, Rumeurs des âges, 1999

Hector Berlioz : A travers chants- Préface de Jacques Chailley, édition Gründ, avril 1971

Jean Paulhan : Braque, le patron, Collection L’Imaginaire, éd. Gallimard, décembre 2010

Ouvrage collectif : Georges Braque : l’espace réinventé, Édition Prisma, 2013

Georges Bernanos : Journal d’un curé de campagne

Ouvrage collectif : La Chapelle de Vence, journal d’une création, éditeur : Le Cerf 1993

Vladimir Jankélévitch : La Musique et l’ineffable, Édition du Seuil, 1983 – Éditions Points, 2015

Claude Debussy : Monsieur Croche et autres écrits, Éditions Gallimard, 1971

Georges Braque : Paroles d’artiste, ed. Fage, Lyon 2018

André Fermigier : Picasso, Le Livre de Poche, 1969

Georges Lafenestre : Saint François d’Assise et l’art italien II, Revue des Deux-Mondes, 1910 – Wikisource

Françoise Gilot : Vivre avec Picasso, Édition 10/18, 1964

Notes

iJean Paulhan : Braque, le patron, collection L’imaginaire, éd. Gallimard, décembre 2010

iiGuillaume Apollinaire : ouvrage déjà cité

iiiLa Croix-hebdo : 18-19 septembre 2021

i Petit Robert 2014

iiidem

iiiLa Chapelle de Vence, journal d’une création éd. Le Cerf 1993

ivGeorges Braque in Paroles d’artistes, éd. Fage, Lyon 2018

vGuillaume Apollinaire : À propos de Georges Braque, quelques écrits, éd. Rumeur des Âges, mars 2016

viGeorges Braque : l’espace réinventé, ed. Prisma Media, septembre 2013

viiHector Berlioz : À travers chants, préface de Jacques Chailley, éd. Grund, Paris 1971

viiiGeorges Braque : ouvrage déjà cité

ixGuillaume Apollinaire : ouvrage déjà cité