L’empreinte du pervers

L’empreinte du pervers qui passe à l’acte est durable parce que son geste est d’autant plus insensé qu’il le fait en pleine conscience : il n’a pas l’excuse de l’altération de ses facultés mentales ou d’un coup de folie qui amoindrirait sa responsabilité à partir du moment où pour tous les autres actes de sa vie, il revendique sa faculté à agir en personne responsable. À cause de ce non sens, la victime va ressasser ce qu’elle a subi à la recherche d’un sens qui lui permette au minimum de comprendre d’excuser, afin que la blessure faite par effraction commence à se refermer. Tant qu’elle n’aura pas contourné l’obstacle de ce non sens et accepté ce non sens en tant que tel. Tant qu’elle n’aura pas accepté la possibilité de l’inacceptable et l’impossibilité de le réduire à la dimension d’une compréhension humaine, elle se heurtera indéfiniment à un mur, elle s’y cognera périodiquement sous forme de répétition du non sens dans ses relations quotidenne. Si elle l’accepte, le mur s’écroulera et son horizon s’élargira d’un coup.

Ainsi, par son acte, le pervers est sûr de survivre éternellement dans la mémoire de quelq’un même s’il est oublié par beaucoup d’autres. À son niveau, il fait aussi bien que le Dieu des monothéistes et même mieux que lui (Dieu se laisse oublier, le pervers jamais), puisqu’il sait qu’il ne sera jamais oublié de sa victime. Il s’octroie une forme d’immortalité de son vivant. Ne pas croire en Dieu et se prouver à soi-même que l’on peut être Dieu éternel sur terre est le sommet de la toute-puissance et, pour un croyant, devrait être le comble du blasphème !

Ce qui a du sens s’efface progressivement de la mémoire sans dommage psychique puisque cela est intégré au fur et à mesure de l’ingestion du vécu. Ce qui n’a pas de sens peut être amnésié, effacé de la mémoire, l’interrogation ontologique qu’il a suscité subsiste, insistante, persévérante, blessante, intrigante, agaçante, éruptive parfois. La mémoire a perdu toute trace de l’événement qui perdure à sa façon en manifestant ses effets psychiques de façon anarchique et sporadique sans que le personne comprenne le sens de ces éruptions. En rencontrant le non sens du fait du pervers, elle a perdu le sens pour elle-même, et le pervers, dans sa conscience ou dans son inconscience joue le rôle de point de repère maudit parce que toujours visible, lancinamment visible, quelque soit le point de vue adopté. Présent, toujours présent, leitmotiv fatal dans la trame de sa vie. Gros fil noir plus visible que toutes les couleurs de la vie.

Le pervers crée le non sens par la transgression de toutes les lois humaines et divines, les confisquant à son propre usage pour se prouver sa puissance et l’emprise de son pouvoir. À l’exact opposé, le saint qui fait des miracles crée aussi un non sens puisque ses actes et prières aboutissent à des faits qui semblent nier les lois de la nature et aller au-delà de l’humainement possible. Le saint, lui, ne le fait pas pour prendre pouvoir et puissance sur un humain. Il le fait pour qu’advienne le meilleur, pour réparer une situation injuste et si l’acte passe par ses prières, ce n’est pas lui qui est l’auteur du miracle ; c’est Dieu in fine qui en décide. Le saint ne peut faire de miracle du fait de son propre arbitraire. Il ne sera entendu dans sa demande et exaucé que si cette demande est juste et qu’il peut en advenir quelque chose de bone pour le saint ou pour ceux qui l’ont sollicité.

Le saint, lui, ne le fait pas pour prendre pouvoir et puissance sur un humain. Il le fait pour qu’advienne le meilleur, pour réparer une situation injuste et si l’acte passe par ses prières, ce n’est pas lui qui est l’auteur du miracle ; c’est Dieu in fine qui en décide. Le saint ne peut faire de miracle du fait de son propre arbitraire. Il ne sera entendu dans sa demande et exaucé que si cette demande est juste et qu’il peut en advenir quelque chose de bon pour le saint ou pour ceux qui l’ont sollicité.le saint ou pour ceux qui l’ont sollicité.

Dans l’Antiquité chrétienne, il a beaucoup été question d’un thaumaturge qui perpétrait des miracles aussi retentissants que les saints, sauf que ces miracles se faisaient, comme par hasard dans une atmosphère d’émeute historique où la foule était invitée à détruire quelqu’un pour s’apercevoir qu’il n’y avait ensuite pas de cadavre. Pour ma part, je pense qu’il existe de faux saint et des faux miracles, mais de vrais thaumaturges qui ont l’art d’utiliser la dynamique de groupe pour créer une hypnose collective où les personnes voient toutes ce que le thaumaturge leur suggère et pour que le faux semblant soit parfait, il les entraîne dans une hystérie collective où après ce moment de folie partagée, plus personne n’osera émettre un point de vue critique par honte et respect humain, laissant ainsi certains chanter la gloire du faux faiseur de miracle et du vrai faiseur de faux semblant vrais.